30 août 2014

Elle cache des trésors sous ses fringues trop grandes.

Ce jour-là, ça sentait juste l'herbe fraîchement coupée. C'était un parfum d'été tellement puissant que ça m'a soulevé les paupières, et j'ai cru voir la vie autrement, derrière un miroir sans reflet. J'ai jamais compris pourquoi tout à coup j'ai réalisé l'intensité de ce parfum. Ça faisait longtemps que j'étais dans ce champ en friche, les piles de mon baladeur étaient à plat et je l'avais même pas remarqué. Je rêvais, je crois. J'étais bien. C'était le principal.

Je pensais à plein de choses à la fois, et pourtant, dans ma tête, c'était tout vide. Chacune de mes idées se répercutait à l'extérieur de moi. Je n'étais plus que le réceptacle du silence. Ça m'a même pas étonné, en soi. Ça me dérangeait pas. Le paradoxe, c'est un peu mon mode de vie, mon quotidien.

Je sais pas du tout combien de temps je suis resté là, les écouteurs sur les oreilles alors qu'aucune musique ne comblait mon silence. J'écoutais la nature, c'était plus joli que du hard rock. Enfin, ça changeait. Moins vibrant, peut-être, mais plus vrai. Je sais pas. Je sais juste que quand je me suis décidé à m'asseoir, mes yeux ont d'eux-mêmes trouvé le chemin vers elle. Sur le coup, j'ai cru rêver, j'ai cru continuer cette belle utopie. Elle ressemblait à une illusion, maîtresse fabulée de ce monde que je m'inventais. Dans la chaleur orangée de ce début de soirée, elle semblait assise dans les airs à contempler les étoiles naissantes. J'ai cligné des yeux une fois ou deux pour comprendre. Et puis j'ai compris qu'il n'y avait rien à comprendre. Elle se contentait de flotter dans le vide de son monde juxtaposé avec le mien et que personne ne pouvait atteindre.

Je l'ai contemplée, simplement, du bout des yeux, comme une caresse visuelle, pour ne pas l'effrayer. Je l'ai contemplée jusqu'à temps que la nuit tombe, tout doucement. La nuit, elle ne voulait surtout pas nous réveiller, nous, petits rêveurs de nos mondes éteints. De loin, je ne la voyais qu'à peine, la fille, une ombre, une silhouette, fragile, gracile, brumeuse, presque. Rien qu'à la voir, des arabesques de mots fluides traversaient mon esprit si vide. Des mots tellement sensés et insensés qu'ils auraient perdu toute leur beauté en étant prononcés ou écrits. Des mots qui ne signifiaient quelque chose qu'en étant pensés. Je les ai gardés vaillamment en moi, ces mots inutiles.

J'aurais pu rester là à la regarder, émerveillé, jusqu'au petit matin. Et puis, peu à peu, elle est redescendue de son nuage, sans heurt, sans bruit. Timidement, l'encadrement de la fenêtre orange sur le mur orange s'est distingué du ciel mauve. C'était une sorte de revanche sur mon imaginaire déchu. Une autre façon de me faire croire que rien n'est jamais comme on le croit quand on vit dans un monde trop improbable. J'avais aimé la regarder planer en silence au milieu des bulles de son sourire. De drôles d'étoiles mirifiques. J'avais simplement aimé. Sans me poser de questions.

Ma belle princesse au cœur de laine se contentait de prendre le soleil, assise tranquillement dans ce cadre rectangulaire trop bien délimité qui s'ouvrait sur l'extérieur de sa vie. Ses pieds nus qui se balançaient dans le vide chassaient les derniers rayons lumineux de cette trop belle soirée de printemps. C'était une autre façon de voir les choses. Trop vraie pour moi, peut-être.

J'ai soupiré, j'ai souri, un peu dépité, et je suis parti, les mains dans les poches.

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