29 septembre 2014

Une odeur allant du thon congelé à la poubelle décomposée.

Elle avait rien demandé à personne. C'est ça le pire dans l'histoire. Elle avait fait gaffe, elle avait bien suivi toutes les recommandations qu'on lui assénait depuis qu'elle était en âge de sortir, elle était consciente que c'était pas le moment, tout ça. Et alors ?

Elle avait pas eu peur, elle avait pas rechigné, elle avait à peine été surprise. Pas de question, rien. Elle savait bien comment ça marchait, elle savait bien là tout au fond d'elle que ça changerait rien, en fait. Que tout serait comme avant, avec un plus, ou un moins, en fonction. Elle saurait se débrouiller, c'était pas un problème, franchement. Elle se demandait juste là, l'espace d'une seconde, pourquoi les gens en faisaient tout un plat. Elle était vraiment la seule à voir ça comme ça ?

Elle devrait peut-être lui en parler. Lui demander s'il voulait bien, ou s'il laissait tomber d'office. De toute façon ça le concernait pas vraiment, c'était son petit truc à elle, son secret. Mais il s'en rendrait compte. Elle avait envie de laisser défiler le temps, d'attendre qu'il le remarque seul, qu'il s'indigne, qu'il s'énerve, qu'il hurle pourquoi tu m'as pas prévenu, pourquoi j'suis jamais au courant de rien. Elle pourrait répondre avec un petit sourire c'est pas tes oignons mais si t'en veux j'dis pas non.

J'dis pas non.

C'est vraiment ça, en fait. C'est là, faut pas chercher plus loin et faire avec. Pas d'hosto, non, les docs elle les avait en horreur. Autant pas rechigner et accepter. Faudrait être débile pour refuser ça.

En même temps elle l'avait pas vraiment envisagé. Ç'avait toujours été quelque chose d'abstrait pour elle, de lointain et vague, flou comme la marée montante le matin dans la brume. Une image de femme qu'on croise dans la rue avec des yeux curieux ou heureux pour elle, une image à ne surtout pas suivre mais à subir quand même désormais. Elle voulait pas du regard compatissant des gens. Non, en fait, elle s'en foutait royalement.

Elle avait besoin de rien ni personne. C'était son truc à elle, son cadeau, elle l'aurait seule et même s'il en voulait ça resterait sa propriété privée. Hors de question qu'il se mêle de ça. S'il claque la porte, tant pis, s'il reste, tant mieux. Point barre. De toute façon il était pas fait pour gérer ce genre de cas de figure, elle le savait bien, ça se lisait sur son visage. Lui il était fait pour la baise, pour l'admirer en silence dans le noir, pour la faire gémir ou pour grogner à ses morsures. C'était violent, c'était pas assez délicat pour eux.

Pour eux.

Parler de soi au pluriel. Se faire à l'idée de cette chose qui grandit dans son ventre. Elle fit la moue devant son miroir. Ça pouvait être marrant, comme expérience.

Elle jeta le test de grossesse dans la poubelle. Pourquoi pas.

2 commentaires:

  1. Nyaa ! Canon c'texte !! J'aime le style, le déroulement, la chute, c'cool-cool ! !

    RépondreSupprimer
  2. Merci merci ^^ Ravie que ça te plaise :)

    RépondreSupprimer